El Hadj Nacer-Eddine DINET

Par le professeur  Ahmed  BEN DJEDDOU

 

 
 

Peintre et écrivain de notoriété mondiale due à son talent d’artiste, Alphonse Etienne Dinet né à paris le 28 mars 1861.De très bonne heure, il s’adonna à la peinture. Son père, alors président de la chambre des Avoués ne s’opposa aucunement à cette inclination et même, en homme charmant qu’il fut toujours, ne manqua pas le cas échéant de la servir selon ses moyens.

 

Elève de l’école des beaux arts, élève de Galland, de Bougereau et de Tony Robert Fleury, Etienne Dinet ne tarda pas à s’imposer par la maturité exceptionnelle de son tempérament d’artiste, par ses dispositions peu communes.

 

Dès 1882, il exposa au salon de peinture et l’année suivante il emporta sa première distinction ; la mention honorable. Il obtient en même temps le prix julien de l’académie de peinture.

 

En 1884, sa légende de st.julien l’hospitalier lui valut une médaille à l’exposition du palais de l’industrie, au moment même ou l’école nationale des beaux arts lui attribuait sa première médaille. Il obtient ainsi en 1889 une médaille d’argent et en 1900 une médaille d’or à l’exposition universelle. En 1901 à l’exposition internationale des beaux arts à Munich une médaille d’or. En 1905 un diplôme d’honneur à la société des Arts de Seine-et-Oise.

 

Un scarabée de l’espèce sud-africaine fut la cause bien innocente d’une détermination qui devait donner à l’art orientaliste un de ses adoptés les plus fervents, une de ses gloires les plus chères. En 1884 le naturaliste Simon en quête d’un coléoptère d’une espèce peu commune (Anthiavénator) s’en fut dans le sud algérien avec l’espoir d’y découvrir l’insecte convoite. Son frère Lucien, artiste peintre prit part à cette expédition. Etienne Dinet les accompagna. Ce même insecte nous l’avons vu quarante ans après, conservé précieusement dans une bouteille remplie de sable, hermétiquement fermée. Ce fil vierge comme un symbole, a permis à Dinet de passer une vie de célèbre artiste et de convertir à l’islamisme.

 

Grâce à une bourse très opportune, Dinet fit peu après son retour à paris un second voyage dans le sud, accompagné cette fois par le jeune Michelin ; fils du grand industriel du caoutchouc. Celui-ci ne tarda pas à regagner la France, averti par télégramme du décès de son père.

Mais Dinet ne quitta pas l’Algérie. Il fut conquis par le charme qui envoûta Delacroix, Marilhat, Vernet, Fromentin, Chassériau, Descamps, Dehodencq, plus tard guillaume Fortuny, Regnault, benjamin constant et tant d’autres (1).

 

Son âme s’imprégna vite de l’atmosphère et de l’âme des lieux et des êtres. Il se fixa alors à Bousaada, cité du bonheur et fit la découverte de sliman qui sera le compagnon fidèle de sa vie durant une quarantaine d’années. Sous le charme de l’oued serpentant dans le lit de verdure, Dinet installa son chevalet et se mit à peindre un groupe de femmes juives qui lavaient leur linge comme de coutume. Mais celles-ci vexées d’être peintes, chose que reprouve leur religion, dépêchèrent des enfants auprès de leurs maris qui vinrent protester véhémentement et lever la main sur le peintre. Mais sliman qui lavait non loin de là intervint pour protéger Dinet, dès lors les deux hommes se prirent d’amitié et ne se quittèrent plus.

 

Leur idéal fut le même, leur vie fut la même. Les mille et un détails de la vie quotidienne incombèrent à sliman qui débarrassa son activité entière à la peinture et aux lettres. Dinet passait l’été dans ce délicieux reposoir de Bousaada, tantôt en ville, tantôt dans la petite Kouba qui bordait l’oued verdoyant.

 

Il peignait sans relâche sous l’éclat particulier de ce soleil du sud, puis, au retour des parisiens de la montagne et de la mer. Il se rendait en automne à paris pour exposer son œuvre et passer ainsi deux ou trois mois dans son appartement situé sur le quai voltaire face au musée du louvre. Gagné dèjas à l’islamisme par une sympathie irrésistible, il le pratiquait sans son ostentations jusqu’en 1913 date à laquelle il déclara publiquement devant le muphti d’Alger et en présence de quelques notables, sa nouvelle profession de foi, d’ailleurs son testament que nous avons sous les yeux, porte la déclaration suivante : ma conversion à l’islam est due à quarante années d’observation , de méditation, d’études historiques et religieuses et de comparaisons entre les différentes religions, l’islam seul ayant réalisé le bonheur de ma vie artistique et religieuse, je tiens à ce que la cérémonie de mes obsèques soit officiellement réglée suivant les rites de l(islam qui m’a procuré la paix dans ce monde et dans l’autre.

 

La revue « Ech-Chihab » parue le 17.11.1927 publiait à propos de Dinet l’article suivant : examinant la conversion sincère de Dinet il est facile de souligner l’heureuse répercussion que ce geste significatif ne manquerait pas d’avoir dans le monde musulman. Dinet a présenté sur l’islam un travail magnifique, entre autre sa « vie de Mohamed » et «  l’orient vu de l’occident » si ces deux livres étaient assidûment lus ils auraient contribué grandement à ramener beaucoup de nos jeunes gens à la voie droite de l’islam.

 

Il mena, dans l’oasis choisie comme demeure, une vie d’ascète et de labeur, occupé tantôt a peindre tantôt à écrire ou à méditer. Il s’adonnait surtout à lecture et à la traduction pour acquérir une solide culture en arabe. Il recevait, dans sa demeure, une fois par semaine, le dimanche après-midi, les notables de la ville et les gens lettrés pour donner à la discussion avec eux un libre cours.

 

Les vieux habitants de Bousaada l’ont entouré d’admiration et de considération en raison de ses connaissances solides et de sa haute culture en matière de religion islamique. Un voyage tenait au cœur de Dinet celui de se rendre aux lieux saint de l’islam, pour couronner cette vie religieuse fervente. Le 17 avril 1929, il débarquait à Suez en compagnie de son ami sliman. Il ne reculait ni devant la chaleur torride de l’Arabie, ni devant les forces chancelantes de son age avancé ; d’ailleurs la chaleur de la foi l’emportant sur la température ambiante leur faisait dire qu’il ne souffrait de rien.  

 

Mon désir dans ce voyage disait-il est de dissiper des malentendus dangereux pour l’avenir de la paix en orient et de collaborer, dans une modeste mesure à l’établissement d’une entente cordiale entre les hommes de bonne volonté en leur exposant clairement la doctrine de l’Islam , religion simple, naturelle et logique qui a fait de ses adeptes des hommes imbus de sincérité,de franchise et de tolérance. Les  musulmans  ne professent-il pas déjà la plus grande vénération pour Moise et pour Jésus ? Le jour où les juifs et les chrétiens professeront la même  vénération pour Mohammed, la paix   au proche orient  sera définitivement assurée. Ces paroles développées dans la préface de son livre « Pèlerinage à la Maison Sacrée d’Allah » résume merveilleusement l’état d’Ame  du sincère musulman que fut Elhaj Nacer Eddine Dinet,lequel va s’éteindre à Paris le mardi 24 Décembre 1929. Son corps fut transporté de Paris à BouSaada le 12 janvier 1930 ; une foule nombreuse évaluée à six mille personnes, était venu de tous les coins de l’Algérie, pour suivre le cortège funèbre et pleurer le frère disparu. Elle lui fit les derniers adieux, exprimés par treize discours,tant en arabe qu’en français,ils tracèrent la vie et l’œuvre du disparu et lui rendirent les derniers hommages .

 

Il est à noter que Nacer Eddine Dinet fut une bénédiction pour BouSaada à laquelle il contribua à donner une réputation touristique. En plus du beau site,des spectacles naturels et des couleurs variées qu’offre la cité du bonheur, beaucoup de touristes s’y rendent, attirés par les souvenirs qu’a laissés le peintre dans cette ville du désert .Sa tombe qu’abrite une magnifique Kouba dissimulée dans la verdure de  l’oasis est l’objet de visites presque sacrées pour l’étranger .    

        

Je pousserai plus loin le rôle bénéfique du peintre et de l’écrivain pour l’Algérie entière. Ainsi à l’occasion de ses obsèques plusieurs discours funèbres prononcés sur son corps firent impression sur l’assistance en raison de leur envolée oratoire, or les riches Algérois qui avaient fondé un cercle « cercle du progrès » aux abords de la place des Martyrs étaient en quête d’un conférencier qui puisse occuper leurs loisirs et les instruire sur leur religion et leur histoire.

Leur choix tomba sur le cheikh Tayeb el Okbi dont le verbe les séduisit à merveille. Il habitait Biskra où il consacrait son temps à des cours particuliers ou à la composition d’articles paraissant sur le journal Al-Islah.

 

Une demeure fut mise à sa disposition à Alger, et ses cours publics eurent lieu tous les dimanche après midi au cercle. Ce fut le point de ralliement et de rencontre de tous les savants d’Algérie qui, par la suite et dans la même année fondèrent l’association des oulémas dont personne n’est sensé ignorer le rôle primordial dans la préparation d’une révolution qui allait nous affranchir du joug du colonialisme.

 

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